Tiphaine Samoyault dans Les Inrockuptibles (mai 2001)

Janvier 2000 : une famille nucléaire dont le noyau a explosé se retrouve à Paris pour l’enterrement du père. L’événement circule de récit en récit, comme une sorte d’accessoire à la prise de parole des personnages. Il en devient presque mineur, dans ce roman où les choses se disent mais ne s’expliquent pas, où tour à tour le père, la fille, le fils et la mère lèguent leur voix à tous les autres. Tous les personnages des Légataires sont en effet les bénéficiaires d’un héritage, mais il ne leur est pas vraiment adressé, pas plus qu’eux ne peuvent déléguer celui qu’ils transmettent sous la forme du discours qu’ils tiennent ou du récit qu’ils font. Et tout tombe, pêle-mêle, les souvenirs, les rancoeurs, les affections passées. La langue elle-même se trouve atteinte par ce mouvement : fragmentaire, partagée entre plusieurs modes d’expression, elle porte les traces d’un écartèlement que le roman ne cherche pas à réduire. Une liberté poétique qui fait toute sa force.