Isabelle Falconnier dans L’Hebdo (18.08.2016)

Michel Layaz: dans les pas de Soutter

Isabelle Falconnier

D’une admiration profonde et sincère pour Louis Soutter, Michel Layaz tire un chant qui se met avec grâce, empathie et subtilité au diapason du peintre au destin solitaire et tragique. La vie de Soutter, né à Morges en 1871 dans une famille bourgeoise, violoniste de talent, dessinateur précoce, architecte, marié à une belle Américaine qui l’emmène chez elle à Colorado Springs et le propulse directeur de l’Ecole des beaux-arts de la ville, revenant malade et seul chez ses parents six ans plus tard pour finir sa vie dans un asile pour vieillards à Ballaigues, méritait bien cette attention subtile, faite autant d’informations biographiques coupantes que d’une tentative quasi suppliante d’entrer dans la tête et le cœur du vagabond génial.

C’est que Louis Soutter marche, des heures durant, n’aime que ça, s’évader de l’asile où sa famille l’a relégué, lassée de son incapacité à vivre la vie sociale que l’on attend de lui.

Michel Layaz perçoit, et rend d’une langue à vif, aérienne, ensoleillée et désespérée à la fois, les tremblements intérieurs qui agitent Louis tout au long de sa vie. On le voit vivre, névrosé mais pas fou, et dépérir, mais vivre quand même, enfant trop frêle et sensible, adulte inadapté, arrêtant de suivre la partition quand l’émotion est trop forte, fuyant la foule, enterrant sa jeune sœur Jeanne, dépensant en costumes coûteux l’argent qu’il n’a pas mais heureux vêtu en dandy, maigre car affamé d’autre chose – et surtout survivre, et même se sauver, par le dessin qu’il redécouvre en arrivant à Ballaigues.

L’affection de son petit-cousin Le Corbusier et de l’écrivain Jean Giono, fascinés par ses toiles inclassables, ténébreuses, érotiques ou morbides, le tire un tant soit peu de sa prison. Il meurt en 1942. En 1961, une première rétrospective se tient au Musée des beaux-arts de Lausanne.