Julien Burri dans L’Hebdo (29.08.2013)

Auteurs coup de coeur

Pas facile de captiver le lecteur en le plongeant dans la psyché d’un « pauvre type ». Un imbuvable qu’on aurait envie de fuir à toutes jambes. Michel Layaz y excelle. Hypocrite, le narrateur de son Tapis de course rabaisse ses proches et les manipule de manière éhontée. La seule chose qui compte, pour lui, c’est son poste de responsable au département littérature et philosophie d’une grande bibliothèque. Et son tapis de course, qu’il pratique tous les soirs. Ses enfants, sa femme, ses amis, l’espèce humaine en général, ne trouvent pas grâce à ses yeux. Les livres, qu’il prétend adorer, il ne fait que les parcourir en marathonien procédurier, les « piétinant » sans se laisser toucher par eux. Le suspens monte au fil des pages, le lecteur redoute autant qu’il appelle une punition. Mais ce n’est pas le genre de Michel Layaz. Pas d’apothéose, chez lui, pas d’effets de manches. Il préfère recueillir la petite musique intérieure d’un personnage qui continuera de « mâchonner sa rogne du monde » jusqu’à la fin de ses jours. Le pire, c’est que cet affreux qui nous débecte tant, nous ressemble un peu. Qui n’a eu l’outrecuidance de se considérer supérieur aux autres, pour masquer sa propre médiocrité ? Michel Layaz réussit le parfait roman miroir d’un monde cynique.