Isabelle Rüf dans Le phare, journal du Centre culturel suisse de Paris (septembre 2013)

Quelques mots jetés à la figure de quelqu’un peuvent-ils fissurer la digue qui protège toute une vie ? « Pauvre type » : le directeur du secteur Littérature et philosophie de la Grande Bibliothèque a reçu l’insulte de l’adolescent comme un coup de poing. Elle était pourtant énoncée sans agressivité, comme un constat, devant la caisse du supermarché, pour stigmatiser une mesquinerie stupide. À partir de cet incident, le bibliothécaire est amené à reconsidérer toute la construction d’une existence réglée, dont il enregistre le déroulement sur son portable. Un mariage de convenance, des enfants qui en sont la conséquence plutôt importune, une villa « fonctionnelle », un poste de pouvoir, la lecture pratiquée comme un sport de compétition, à l’égal des kilomètres quotidiens parcourus chaque soir sur le tapis de course qui tient le rôle-titre. Cet être de discipline, qui remplit de citations « son petit panthéon privé », est soucieux de tout contrôler. Il écrase ses subordonnés de son mépris, trahit ses amis ; mais des rêves angoissants révèlent un chaos intérieur que l’insulte a réveillé. Le bibliothécaire se vengera-t-il ou trouvera-t-il une forme d’apaisement inattendu ? Il aura au moins dû affronter les traumatismes de l’enfance, le souvenir d’un père autoritaire, d’une mère larmoyante, de jumelles rebelles (en écho aux Deux Sœurs du livre précédent ?) Dixième livre de l’auteur lausannois Michel Layaz, Le Tapis de course est un roman d’éducation tardive !