Eric Bulliard dans La Gruyère (03.10.2013)

La vie d’un homme banalement médiocre se voit bouleversée par une insulte qu’un adolescent lâche au supermarché: «Pauvre type.» Et alors? Pas grand-chose. Si ce n’est que le type en question ne s’en remet pas. Que son existence parfaitement réglée vacille.

Observateur pertinent de notre société, le Vaudois Michel Layaz signe avec Le tapis de course un roman réjouissant. Sans effet inutile, il dresse un portrait impitoyable des petitesses ordinaires. Son narrateur, un intellectuel qui travaille sur les écrivains voyageurs, reste un homme lisse et mesquin: «Dans mes recherches, il n’y a aucun élan, aucune passion, mais de la méthode, de la constance, une rigueur rationnelle.» Un père de famille aussi, qui n’oublie pas ses devoirs: «Chaque dernier vendredi du mois, avant de m’engager sur l’autoroute, je m’arrête dans un tunnel de lavage. Que la voiture soit propre, ma femme y tient.» Et tout est de cet ordre, grinçant, cruel et imparable de justesse.