La rédaction de 20minutes.fr (09.10.2013)

«Pauvre type !» Prononcée avec calme par un adolescent dans une file de supermarché, cette interjection bouleverse son destinataire, le héros de ce livre. Sans le savoir, l’adolescent vient de fissurer la vie intérieure d’un homme qui se protège par une routine sans faille, un homme certain qu’aucun événement extraordinaire ne doit venir briser la logique implacable de l’existence qu’il s’est construite.

Pour éviter que son monde ne vacille, l’homme se résout à s’enregistrer sur son téléphone portable. Il raconte son quotidien : le travail, la bibliothèque, les collègues, le tapis de course, les quelques amis, la famille, la multitude de livres lus pour trouver quelques rares phrases à ajouter à son petit panthéon privé. Rien n’y fait. Le «pauvre type» le hante.

MICHEL LAYAZ vit et travaille à Lausanne. Avec Le Tapis de course, il poursuit une écriture qui révèle, sans en avoir l’air, les traits de notre société contemporaine.

Le choix des libraires : choisi le 16/10/2013 par Max Buvry de la librairie VAUX LIVRES à VAUX-LE-PÉNIL, France

Le narrateur croit s’être construit une carapace indestructible, une vie bien réglée, protégée («Oui, il y a chez moi cette forme de régularité, ou plutôt d’exactitude, qui est la réalité de mon existence. Là est ma force. Là est ma vie.»). Jusqu’au jour où, dans une file d’un supermarché, un ado le traite de «pauvre type». Jamais il n’avait entendu cette sentence, jamais il ne l’avait pensée ou supposée. Ces deux mots le transpercent, sa protection se fissure, et l’homme décide de s’enregistrer, de se raconter, de présenter son «petit panthéon privé». Il est cultivé, a beaucoup lu, hanté par les mots, il sait trouver la citation adéquate et définitive à toute situation, ce qui lui a permis jusque là de mépriser allègrement son prochain, de s’estimer supérieur au coeur de ce petit monde clos qu’il s’est construit. Ces deux mots et le calme avec lequel ils ont été énoncés lui ouvrent une nouvelle humanité, sorte de rédemption qui semble être salvatrice et la prose raffiné e et recherchée de Michel Layaz accompagne parfaitement cette redescente sur terre d’un grand présomptueux en espérant qu’il ne représente pas l’un des archétypes de nos sociétés modernes !

Courrier des auteurs le 16/10/2013

1) Qui êtes-vous ? !
Le verbe «être» m’a toujours fait froid dans le dos.

2) Quel est le thème central de ce livre ?
Les petites bassesses, les mesquineries, les lâchetés, la suffisance, la tristesse, les trahisons, celles que l’on commet contre les autres mais aussi contre soi. Mon personnage a cédé sur tout mais il a construit un tel blindage autour de lui que rien, semble-t-il, ne parvient à l’atteindre. Une petite phrase lancée indifféremment par un adolescent («Pauvre type») secouera toutefois la façade, et ce, de façon plus efficace que les centaines de livres lus mécaniquement par ce «héros» à rebours.

3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
«Mais depuis longtemps, de la volupté de me châtier, moi et mes travers, je sais en jouir, mieux que tout».

4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
Une musique des sous-sols.

5) Qu’aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
D’abord un langage. La recherche d’une forme irréprochable me tient à coeur. Ensuite, même si je n’ai bien sûr aucune leçon à donner, je crois que Le Tapis de course affirme qu’il importe de ne pas se duper soi-même, un art dont l’homme contemporain est passé maître.

Source: http://www.20minutes.fr/livres/1233823-20131009-le-tapis-course-michel-layaz-chez-zoe-carouge-suisse