Alexandre Fillon dans LivresHebdo (04/02/2011)

Folle famille

Michel Layaz met en scène une famille pour le moins étrange. Le père, qui hypnotisait les mouches et les abeilles avec ses yeux, passe désormais ses nuits à l’asile. Il n’aurait pas dû crier pendant trois minutes d’affilée dans l’oreille du chef, jusqu’à lui crever le tympan. La mère, elle, vit depuis un moment à New York, où elle était partie en tant qu’interprète, avec un politicien, mais n’oublie pas d’envoyer de l’argent à ses filles pour les aider. Celles-ci sont deux. Nées le même jour, « pas jumelles mais presque ». D’elles, on sait qu’elles ont parfois « la fougue, des lionceaux, la rage des oiseaux de proie ». Qu’elles ne sont pas du genre à pleurer pour un rien, à « ouvrir la gueule pour un oui ou pour un non ». Qu’elles sont attirées par ce qui tranche autant que par ce « qui caresse, ou râpe, ou brise, ou écrase, ou étreint ». Le juge, qui ne doute pas que « son choix est le bon choix », a tranché. Les sœurs ne seront pas placées dans une institution : elles peuvent rester dans la grande et vieille maison. Une assistante sociale viendra leur rendre visite une fois par quinzaine. Ladite assistante, qu’elles ne tardent pas à mettre dans leur poche, leur explique bientôt qu’un écrivain veut les rencontrer. Il n’est pas tout jeune mais s’habille comme un adolescent qui ne saurait trop comment s’habiller. Et elle leur explique qu’elles pourraient être le point de départ d’un bon sujet de roman… Michel Layaz, dont on avait aimé Les larmes de ma mère (Zoé 2003, repris en Points) ou il est bon que personne ne nous voie (Zoé, 2006), continue d’avancer et de surprendre. De travailler sur le burlesque et la satire pour bâtir à chaque nouveau livre un univers plus singulier encore.