Famille décomposée

La Liberté du 5 janvier 2019

Au bout d’une longue table en bois massif, un couple se fait face, parle à mi-voix, fusionnel jusque dans son narcissisme. A l’autre bout, une fillette songe devant une assiette vide, résignée à la solitude. Scène qu’observe à la dérobée Silke, la vingtaine, choisie comme préceptrice pendant neuf mois pour Ludivine, cette enfant «émotive, quelque peu distraite et endormie». 

Un singulier triangle familial que l’écrivain fribourgeois Michel Layaz dispose en lisière de forêt, dans une ferme solitaire. Entre le père, artiste peintre reclus, et la mère, avocate qu’on imagine brillante, il y a cette fille, presque de trop. Et c’est en brefs chapitres, enfilés comme autant de perles fragiles sur un fil qui les relie, que Silke pénètre peu à peu dans l’univers ré-enchanté par Ludivine, constellé des impérieuses excentricités de l’enfance.

«Je continue de m’étonner qu’il faille parfois autant de pages pour exposer des idées simples», lance Ludivine. De sa prose limpide et raffinée, Michel Layaz, Prix suisse de littérature pour son précédent roman, n’a besoin pour sa part que de peu de mots pour exposer, sans les épuiser, les subtils mystères d’une amitié naissante. 

                                                                                   Thierry Raboud