Jacques Sterchi dans La Liberté (février 2001)

La famille éclatée

Quatrième roman signé Michel Layaz, né à Fribourg et vivant entre Lausanne et Paris, Les Légataires est une affaire de famille. Un père, une mère, leur fille et leur fils. Mais pas ensemble. Si tous écrivent, et parlent notamment de leur vie passée, ils ne correspondent pas. Ne s’écrivent pas. Famille éclatée où va se profiler petit à petit l’ombre d’un malaise. Le père écrit de Paris, où il se meurt, bourré d’obsessions mortifères. La fille est à Rome, égrenant ses malaises érotiques. Du côté de Damas, le fils médite sur le pourquoi des mots « Pour agir, j’écris. C’est ma façon de croire un peu à la matière, de ne pas complètement accepter la nudité. Parfois, le texte surnage  » Le jeune homme philosophe aussi dans cette errance orientale, écrivant a une anonyme destinataire « Tu me demandes une définition de la mort : un homme sans contradiction qui ne mentirait jamais »

IMBRIQUÉS MAIS ÉTRANGERS La mère, elle, trie des photographies en dévoilant quelque peu ce qui lie et sépare ces quatre personnages, « légataires » d’une histoire. Ainsi tout le monde note, monologue, perdu dans sa solitude. La mort du père les reunira, peut-être. Ce parallélisme des discours fait la force du roman de Michel Layaz, donnant toute leur force aux destins si imbriqués et pourtant si étrangers. Un homme qui se meurt dans sa perception de l’absurde, une fille et un fils guettés par un fantasme, ou un souvenir, incestueux : le réel est difficile et l’écrire est sans doute un faible remède mais parfois le seul possible, l’unique viatique pour ne pas sombrer, tel le père obnubilé par la mort de poissons rouges et l’absolue absence ressentie face aux autres.

ROMAN À QUATRE VOIX Où, comment quand écrit-on ses « confessions » ? Ces interrogations traversent le livre de Michel Layaz, dont la qualité d’écriture et l’élégance sont tout a fait remarquables. Quatre voix, quatre registres maîtrisés, quatre pistes qui n’aboutissent pas forcément à une solution univoque. Ici, écrire ou parler reste une solitude terrible. Mais la seule possible, n’excluant nullement le plaisir a choisir et multiplier les mots.